Quelques poèmes de Bergil Nardis

123) Si

(Il se prend pour Kipling maintenant)
Si tu es heureux d'être en kimono,
En sachant qu'il est difficile d'apprendre le Judo,
Si tu sais que l'exercice que l'on t'expliquera, que l'on te démontrera
Il n'est pas certain que tu le réussisses dès la première fois que tu essaieras,

Si tu sais que pour progresser,
Il ne te faudra pas des heures, des jours, des années,
Mais, ta progression se comptera
Au nombre de litres de sueur, que sur le tatami tu laisseras

Si tu sais que le Judo n'est pas un sport individuel,
Que sans les autres ta progression ne sera pas réelle,
Si tu sais que pour pouvoir, même dans la vie, bien avancer,
Les autres, tous les autres quels qu'ils soient, tu dois les respecter,

Si tu sais que la victoire et la défaite arrivent en combattant,
Que la victoire, c'est très valorisant,
Mais que la défaite, ce n'est pas déshonorant,
Tu seras ceinture noire, mon enfant.

22/02/2008

29) La rentrée

Ça y est, c'est la rentrée,
Le mois d'août est terminé
La chaleur s'est calmée
Quelques nuages se sont même montrés

Les nouveaux élèves vont arriver.
Des kimonos pour eux, nous avons préparé.
À la ceinture noire, nous allons essayer de les amener.
Mais pour cela, il leur faudra des années.

Des années de travail, de sérieux mais aussi de bonheur.
Les anciens, qui connaissent bien tout cela, vont leur en parler tout à l'heure.
Car ils ont une chance inouïe,
Les nouveaux,
Et ils s'en souviendront toute leur vie,
De leur première séance de Judo

septembre 2006

38) La ceinture

La ceinture est un accessoire
Qui, et c'est notoire
Et, bien sûr nous le savons
Empêche de faire tomber le pantalon.

Mais vous savez aussi qu'au Japon,
Qu'il n'y ait pas de confusions,
La ceinture, c'est paradoxal,
Tient la veste, ce n'est pas banal.

Et je vous dis, bien haut,
Cette veste, est la veste d'un kimono.
Le kimono, vous le savez, et ce n'est pas faux
Sert à la pratique du Judo.

Au plus votre ceinture sera foncée, au plus vous aurez progressé.
Si vous avez une ceinture noire, vous êtes arrivé au sommet.
Cela ne vous empêchera pas de continuer à pratiquer.
Pour faire progresser vos copains qui ont une ceinture moins foncée.

Juin 2005

2) Le vestiaire

La remontée de l'escalier vers le vestiaire,
Les tongs à moitié enfilées,
La ceinture déjà dénouée
Ressemblait à la montée d'un calvaire

La sueur dégoulinant de leurs corps,
Les judokas entraient harassés et sans ressort,
Amenant à cet endroit sombre et ordinaire, un décor
De bien-être, de joie et de satisfaction après l'effort.

Ce bien-être, cette chaleur, cette symbiose, cette fatigue déliant
La langue du jeune, du vieux, du grand, du petit, du gentil, du méchant,
Donnant des conversations extraordinairement variées,
Rapprochant les individus les plus éloignés.

Souffrir ensemble rapproche le gendarme du gauchiste,
Attire le cancre et le surdoué, l'égoïste et l'humaniste,
On trouve dans ce vestiaire, en plus de l'odeur âcre de la transpiration,
Cette odeur, senteur, humeur, splendeur, qui est l'oubli du conflit des générations

Le jeune « cador », qui ne veut rien savoir et qui s'en fout,
S'approche du vieux « schnock » qui croit qu'il sait tout.
Dieu que cette souffrance est bénéfique, salvatrice, et certainement recherchée.
Il parait même que tout cela est scientifiquement démontré.

Mars 2005